dimanche 21 décembre 2008

Question de style


Qu'est-ce que le style ?

Cette question me trotte dans l'esprit depuis près de deux semaines maintenant, et j'avoue rester perplexe. Comment le définir ? Comment le mesurer ? Le style peut-il s'apprendre ?
Bien sûr le mot style peut s'appliquer à de nombreuses choses : une peinture, un vêtement, un texte, une manière d'être...
Mais je pose ici la question du style littéraire. A mes questions, le Petit Robert répond d'une façon complexe : "Aspect de l'expression littéraire, dû à la mise en oeuvre de moyens d'expressions donc le choix résulte, dans le conception classique, des conditions du sujet et du genre, et dans la conception moderne, de la réaction personnelle de l'auteur en situation". Passons sur la conception classique, car la notion de genre est de moins en moins d'actualité. Mais intéressons-nous à la conception moderne : mise en oeuvre d'expressions dont le choix résulte de la réaction personnelle de l'auteur en situation. Totale relativité ici. Aucune règle, aucune norme. Donc je n'avance pas dans la résolution de mon problème.

Comment savoir si quelqu'un a "du style" ou non ? Peut être au fait qu'on peut reconnaître son écriture parmi d'autres. Mais si je peux reconnaître le style de Barbara Cartland, est-ce à dire qu'elle en a un ? Oui, chaque personne qui écrit a UN style. Mais avoir "DU style" est autre chose. Là encore, question de subjectivité et de relativité. Mais on peut s'accorder, au delà des question de goûts, à dire de certaines personnes qu'elles ont "du style". Balzac, Maupassant, Hugo, Cendrars, Duras, voilà du style ! Pour les grands auteurs, on s'accorde.
Mais l'accord naît surtout de l'idée que le style vient de la capacité à exprimer des idées personnelles. Valéry écrit : "le style est une question non de technique, mais de vision". Et Buffon : "Le style doit graver des pensées, ils [les écrivains qui n'ont pas de style] ne savent que tracer des paroles". Pour lui, le style se mesure par les "vérités qu'il présente".
Mais avec le développement actuel des médias, les journaux sur internet, les blogs, que penser ? Toute personne ayant des idées fondées a-t-elle du style ? Non, bien sûr. Mais alors quoi ?
Chateaubriand a écrit que le style, "c'est le don du ciel, c'est le talent". Si la vérité est dans cette phrase, les personnes ayant du style doivent se compter sur les doigts de quelques mains.
Mais j'en suis venue à penser que le style est quelque chose comme avoir une patte personnelle, une façon spéciale d'exprimer des idées, une caractéristique qui marque, qui donne à l'écriture son unicité. La notion d'unicité me semble d'ailleurs fondamentale. Bien sûr, qui sommes-nous pour en juger ? Mais une personne qui lit beaucoup, qui lit des choses très différentes, qui a une culture littéraire, doit pouvoir sentir du style quand elle en croise.
On a donc parlé du style comme fond, et comme forme. Le vrai est probablement dans la jonction des deux. Écrivez bien des choses insensées, ou écrivez mal des idées fortes, et le style n'y trouve pas son compte.

A la question de savoir si le style s'apprend, Valéry répond : "Cela ne s'acquiert pas, mais cela se développe". Si l'on suit Chateaubriand et Valéry, le style ne s'invente pas. On l'a ou on ne l'a pas. Et même si on l'a, cela ne suffit pas. Ça se travaille, ça se retouche, ça évolue. Pleurez si vous n'avez pas reçu le style en héritage !

Découvrir l'opinion de ces "grands", même ça ne m'a pas permis de trouver LA réponse, (et je doute qu'il y en ait une seule), m'a permis de comprendre un peu plus l'essence de cette chose insaisissable qu'est le style. Matière, façon de l'exprimer, don...
Mais je crois que le style est avant tout quelque chose à inventer personnellement et de façon indépendante, une voie à trouver... Et pour cela, je cite Jules Renard : "Le style, c'est l'oubli de tous les styles".

jeudi 11 décembre 2008

Burn after watching ?


La semaine dernière, Burn after reading, la dernière production des frères Coen.
La première chose que je dois dire, c'est que j'ai ri... Beaucoup même. Et bien, d'un bon rire, provoqué par du vrai comique de situation ou de jeu. Et ça faisait longtemps que je n'avais pas tant ri, bien ri devant un film.
Burn after reading, c'est avant tout l'histoire de cinq paumés, des losers. Ils sont petits, ont des vies petites, sont enlaidis par leurs petites obsessions (chirurgie esthétique, sport, sexe, alcool...). Ils mentent, volent, font du chantage, tuent.
Ce "pitch" de départ est servi par une bande d'acteurs extraordinaires. On a beaucoup glosé sur le contre-emploi qui est fait de George Clooney et de Brad Pitt, mais ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte est leur talent. Ils ont su (et ils ont du beaucoup s'amuser en le faisant) rentrer complètement dans leurs rôles respectifs. Brad Pitt fait jeune et franchement con, Clooney fait ringard et lâche... Et la preuve de leur talent, c'est qu'ils ne sont pas attachants : même si on reconnaît Clooney, on ne l'estime pas, on ne l'apprécie pas, malgré qu'on en soit fan, et il en va de même avec les autres. Et quand il leur arrive quelque chose, on ne s'émeut pas.
Le talent des acteurs est donc un des grands atouts du film. Mais les frères Coen ne se sont pas contentés de réunir les meilleurs acteurs de leur carnet d'adresse. Par l'absurde, par le ridicule, ils ont su montrer les effets de la bêtise, de l'étroitesse d'esprit et de la peur sur des gens normaux. La normalité et l'anormalité sont d'ailleurs des sujets fondamentaux ici. Le film est un engrenage fou, une suite loufoque de rebondissements qui vont amener au drame.
Pas de beauté ici, pas de nobles sentiments, le sexe et l'intérêt guident tout et tous.
Une certaine cruauté donc, on rit de la bassesse des personnages, mais finalement, les frères Coen nous montrent là l'humanité dans toute sa (triste ?) réalité.

mercredi 3 décembre 2008

Hommage à Jean Aubin

J'ai appris aujourd'hui le décès du peintre Jean Aubin.
Depuis que je suis toute petite, Jean Aubin a fait partie de mes vacances. Avec mes grands-parents, nous allions le voir dans sa maison près de Poitiers, il nous entraînait alors dans son atelier, au sous-sol, et, pendant que j'écoutais, émerveillée, nous parlait inlassablement, et passionnément de son travail.
Passionné, Jean Aubin l'était. Il était professeur d'arts plastiques, mais il a toujours créé.
Je me rappelle de certaines de ses "phases expérimentales" : il y a eu l'époque où il créait des cadres incroyables, en bois, mais avec des petits cachettes, des trappes à soulever, et derrière lesquelles on trouvait de petits poèmes de sa plume.
Ses aquarelles étaient captivantes de lumière et de finesse... Je pense par exemple à celle intitulée "Vouloir marcher pieds nus dans la rosée", qui n'était qu'une explosion de douces couleurs, et devant laquelle on sentait effectivement la rosée sous nos pieds...
Il était aussi un incroyable technicien, un inventeur. Il a fait des émaux, des sculptures...
Jean Aubin, c'était un bouillonnement permanent d'idées, une technique élaborée, une peinture drôle et belle, un humour infini (son tableau "Passerelle pour les anges aptères" m'a longtemps interrogé, et toujours fasciné), un rire trés communicatif, une gentillesse, une bonté, une volonté de partage...
Je le garderai toujours en mémoire, et ses deux aquarelles sur mes murs seront des hommages quotidiens à une trés belle personne...

mardi 2 décembre 2008

Venise à Bâle


Going to the Ball (San Martino), William Turner, 1846.

Samedi, expédition à Bâle, pour voir l'exposition "Venise" à la Fondation Beyeler.
L'expo thématique présente des oeuvres d'une douzaine de très grands peintres, sur le thème de la Sérénissime. Par salle, on découvre des chefs d'oeuvres de Canaletto, de Francesco Guardi, de Turner, de Monet, Manet, Renoir, Signac, Redon, Whistler, Sargent... En tout 150 oeuvres pour nous émerveiller et nous faire voyager.
Avant de commenter les oeuvres, je voudrais dire un mot de mon expérience suisse. J'ai en effet pu découvrir la "manière" suisse pour une grande expo telle que "Venise". J'ai d'abord remarqué la sobriété de la muséographie. Beaucoup de blanc, trés peu de salles peintes autrement, des cartels transparents, et chose plus surprenante pour la française que je suis, aucun texte sur les murs. Les textes sont sur un dépliant disponible à l'entrée. La notice est ciblée sur certaines oeuvres, d'autres sont absentes. Il n'y a pas vraiment d'explications sur le lien entre les oeuvres, ou sur le choix des artistes. Sobriété excessive ?
En tout cas, je dois dire que l'évolution de l'ensemble est réussie : on avance de façon fluide d'oeuvre en oeuvre, de période en période, de style en style. Et il y en a pour tous les goûts. Certains peuvent admirer la précision d'un Canaletto, d'autres la vie présente dans une vedute de Guardi, ou le fourmillement des toiles de Signac, la matière fabuleuse des oeuvres de Redon, la puissance évocative des eaux fortes de Whistler, ou enfin la vérité des personnages de Sargent...
Personnellement, j'ai été fascinée par Turner. Sa Salute dorée, ses visions fantomatiques de Venise, pourtant toujours bien présente derrière la brume... La ville disparait peu à peu, avec l'avancée du peintre dans son expérience picturale de réenchentement du monde. Ses vues deviennent de plus en plus absentes, mais paradoxalement, on ressent toujours plus la magie du lieu, son indicible évanescence... Ses aquarelles ont elles la modernité d'un Monet, et la fulgurance d'un Nolde. Leur légéreté leur donne une présence incroyable. Tout est paradoxal chez Turner, mais j'ai eu l'impression qu'il est celui qui, le mieux, a su capter le sens caché de cette ville si mystérieuse qu'est Venise. Il a compris que sa fragilité, et son inextricable constitution de trois éléments, air, terre et eau, lui donnent sa force et son unicité. Un Turner, c'est une ode à Venise !
Cette riche exposition a donc été un beau voyage dans la peinture, le temps, et l'espace...

Le Palais Contarini, Claude Monet, 1908.

A chaud : Stravinski sous la pyramide

Expérience puissante ce soir au Louvre : Pierre Boulez a dirigé L'Oiseau de feu sous la pyramide.
Le chef d'orchestre connu mondialement a donc fait don de son temps et de son talent aux 2000 personnes assises par terre, sous le ciel parisien, avec l'orchestre de Paris sous sa direction.
L'impression de cette foule rassemblée pour de la musique classique, qui plus est pour une oeuvre un peu difficile, cette pyramide illuminée successivement de rouge, de jaune, de vert, tout ceci a conféré au concert une touche magique. Des jeunes, des moins jeunes, un bébé, qui a largement exprimé son opinion pendant le Premier tableau... Et puis Stravinski. Son oeuvre imagée, puissante... On sursaute à un enflement soudain de l'orchestre, à cette musique parfois brutale et primitive. Puis on s'attendrit sur une mélodie sinueuse pleine de douceur et d'élégance. Et quoi qu'il arrive, on frissonne.
Le souffle de la partition est parfaitement rendu par l'Orchestre de Paris, qui a joué avec justesse et subtilité. Boulez a bien su donné à son public la véritable dimension de cette oeuvre majeure, et pourtant premier ballet du jeune Stravinski. Il m'a semblé que la foule (moi comprise) a mis une bonne dizaine de minutes à rentrer dans l'oeuvre, car le vrai silence a mis ce temps à s'étendre. Mais une fois entrés dans l'atmosphère, nous avons tous vécu ces quelques minutes au rythme lumineux, drôle et vibrant de la musique de Stravinski.
La communion de tous ces gens, la présence de Boulez, les acclamations enthousiastes à la fin, et surtout surtout l'Oiseau de feu... Une soirée marquante, mais trop courte. On en redemande !

samedi 22 novembre 2008

Le Génie de la Couleur au Musée d'Art Moderne


La Plage à Sainte Adresse, 1906, collection privée.

Raoul Dufy s'expose pour la première fois dans une grande rétrospective parisienne au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, jusqu'au 11 janvier.

L'exposition n'est peut être pas parfaite, et elle est un peu longue, mais elle a le grand mérite de rendre justice à son artiste. Elle montre très bien la diversité du talent de Dufy, peintre, aquarelliste, céramiste, dessinateur pour textiles, décorateur, graveur... Les différentes facettes de son talent sont toutes illustrées avec richesse.
L'expo est logiquement chronologique, et on comprend bien le côté systématiquement avant-gardiste de l'artiste : il fut successivement impressionniste, fauve, cézannien, quasi cubiste... Mais à chaque courant il a su apporter sa touche, son originalité. Son impressionnisme est gras, épais, et très vivement coloré. Son fauvisme n'a pas les mêmes thèmes que Vlaminck ou Matisse : il peint des scènes populaires dans des paysages. Et ces scènes ont toujours un côté naïf qui lui est propre. Par contre sa phase cézannienne est la plus pauvre, car il réduit sa palette aux trois couleurs du maître mais ne sait pas tirer partie des possibilités de la touche si caractéristique de Cézanne. Le résultat est une série de mauvais Cézanne.
En 1907, il collabore avec Apollinaire et illustre le Cortège d'Orphée. Le primitivisme de ses figures, et leur naïveté font de l'ouvrage un ensemble puissamment évocateur.
Puis sa rencontre en 1909 avec Paul Poiret est fondamentale : ils créent la Petite usine à Paris, où ils produisent des tissus imprimés en série. C'est le début d'une carrière pour Dufy : il crée entre 1910 et 1930 plus de 3000 modèles en gouache pour les lyonnais Bianchini et Férier.
Exemple de tissu crée à Lyon d'après une gouache de Dufy.

L'aquarelle est aussi un domaine où Dufy excelle, et ses aquarelles du Maroc et de Venise sont magnifiques, à la fois sobres et fouillées, à la fois classiques et "couleur locale".
Dufy, tout comme Picasso, se fait aussi un temps céramiste, et le résultat est comme le reste de son oeuvre : coloré et vivant. L'exposition s'organise ensuite par thèmes : l'atelier, le portrait, les natures mortes, la musique, les cargos noirs...
Elle est très et trop riche pour que je puisse parler de tout, mais ce qui se dégage de l'ensemble de l'oeuvre du peintre est une liberté géniale. Une liberté du trait d'abord, qui ne correspond jamais aux aplats de couleurs, ce qui est devenu sa marque : ses arabesques s'envolent librement hors des champs prévus, et donnent une impression de légèreté infinie. Une liberté de la couleur aussi : je n'ai jamais vu d'aussi beaux verts chez aucun autre peintre... Dans La Baie de Sainte Adresse, de 1906, qui fait partie de la collection Alain Delon (le veinard), la mer est d'un vert profond, turquoise, à la fois réel et surréaliste. Dufy a des verts acidulés, des oranges francs, des roses doux... Il est un coloriste surdoué, qui sait donner à chaque chose qu'il représente vie et gaieté.
Il sait créer un univers fou, florissant, vibrant, comme celui du tableau La Grille, ou celui de la Fée électricité, immense fresque du musée d'art moderne. On y retrouve un peu de Chagall, de Matisse, mais l'intense poésie qu'il confère à chaque oeuvre est sienne, elle est sa marque, sa signature et sa plus belle réussite...

vendredi 21 novembre 2008

Rock et Bourgeat














Ici l'oeuvre de Bourgeat intitulée Rock'n Roll, de 1999, collection du Ministère de la Culture.
Et en face le dessin de Philippe Vuillemin sur l'oeuvre.

Lilian Bourgat au CCC














Samedi après-midi, exposition Lilian Bourgeat au Centre de Création Contemporaine de Tours. Expo "Les encombrants, la suite".
Dans les grandes pièces du CCC sont dispersés des objets surdimensionnés : vous pouvez voir les chaises et la table géantes, mais il y aussi des rétroviseurs géants, des punaises géantes... Sur un rail circule une caméra qui tourne et retransmet en direct le film dans la dernière salle. Nous faisons donc partie de l'oeuvre. De plus, un masque à l'effigie de Lilian Bourgeat nous est distribué au début, afin que nous puissions voir l'expo "avec les yeux de l'artiste".
Peut être le savez vous mais je suis tout sauf une spécialiste de l'art contemporain. Devant un pot doré géant sur un socle de 20m de haut, je suis prise d'un sentiment d'incompréhension et souvent d'une bonne envie de rire. Il parait que je ne sais pas m'ouvrir assez à la nouveauté de ce genre d'oeuvres...
J'avoue qu'ici l'incompréhension m'a comme d'habitude saisie, mais qu'elle a vite été remplacée par d'autres sentiments : j'ai vite trouvé l'expo ludique, je n'étais pas intimidée comme je le suis normalement devant des oeuvres contemporaines, je me suis amusée...
J'ai mis mon masque, et j'ai déambulé entre un interrupteur de 5m sur 5, une ampoule géante, des dessins humoristiques de Vuillemin sur Bourgeat, et une superbe invention : l'oeuvre "Rock'n Roll", ou des guitares électriques forment les lettres du mot. On peut en jouer. On peut s'asseoir sur les chaises. C'est nous qui allumons l'ampoule géante en sautant sur l'interrupteur.
Les enfants qui étaient là avaient l'air de s'amuser encore plus que moi.
J'ai donc découvert ici une ambiance bien différente de celle de Beaubourg par exemple : l'oeuvre n'est pas sacrosainte, elle est à notre portée, elle se fait avec nous, grâce à nous, dans une interaction enrichissante. Un aspect de l'art contemporain que je ne connaissais pas et que je n'aurais jamais imaginé m'a donc frappé : l'accessibilité, la proximité, l'humour... Il était temps !

Reconstruire les Tuileries ?


Si vous n'étiez pas au courant, il existe un Comité National pour la Reconstruction des Tuileries. J'ai parlé de la restitution de la grille royale à Versailles, et il semblerait que la "folie des restitutions", apparemment encouragée par les Monuments Historiques, ne s'arrête pas là...
Plusieurs personnalités se sont exprimées en faveur de cette reconstruction du Palais qui avait brûlé en partie pendant la Commune, et que la IIIe République fit achever de détruire, après s'être déjà posé la question de la reconstruction. L'architecte de la grille royale, Frédéric Didier, s'est dit favorable à un tel projet.
Mais certains détracteurs voient là une négation des sacrifices du peuple parisien pendant la Commune, et un symbole politique offensif.
Et en plus de toutes ces questions se posent celle fondamentale de l'effective reconstruction. Que reconstruire ? Faut-il recréer les Tuileries telles qu'elles existaient au XIXe siècle ? Faut-il élever un bâtiment moderne ? La question reste posée, et la réponse reste ouverte...
Pour plus de renseignements, voir le site : http://www.tuileries.fr/index.php

Sombre matin...


J'ai relu récemment "Matin brun" de Franck Pavloff. C'est Cheyne qui publie depuis 1998 ce tout petit livre (10 pages, 1 euro) de Pavloff, grand humaniste, poète, photographe, et écrivain bulgare. L'ouvrage a été tiré à 1 200 000 exemplaires depuis 1998.
Matin brun, c'est l'histoire de deux copains qui vivent dans une époque trouble où l'Etat brun impose tous les jours de nouvelles et arbitraires lois.
Par indifférence, ou par flemme, ou par peur, ils acceptent tout. La facilité est de ne pas se poser de questions. Ils ne sont pourtant pas mauvais, collabos, ou autre chose. Ils sont juste là, et tentent de vivre le moins mal possible.
En quelques pages, en quelques lignes, Pavloff nous explique tout : la possibilité de la montée du nazisme en Allemagne, la position des collaborateurs en France... L'Etat brun voit tout en brun, mais la situation est applicable dans tout pays où l'arbitraire a un jour sévi. Pavloff ne diabolise personne, ne juge pas, mais ne justifie ni n'excuse rien non plus. Le livre est d'une puissance et d'une intelligence fulgurantes.
La leçon est simple : notre liberté est trop importante, trop précieuse pour qu'on se la laisse prendre. Il faut lutter chaque jour pour que chaque acquis de la liberté nous reste.
Un livre qui devrait être lu dans toutes les écoles de France et même du monde...

jeudi 20 novembre 2008

La Pompadour à Tours

L'enlèvement d'Europe, 1750, Jean-Baptiste-Marie Pierre, Dallas Museum of Fine Arts.




















J'ai vu samedi l'exposition "La volupté du goût, la peinture sous Mme de Pompadour", au musée des Beaux Arts de Tours.
Avant tout, il est intéressant de savoir qu'une importante partie des tableaux de l'expo viennent des musées de San Francisco, Minneapolis, Los Angeles, Cleveland... Ceci a été permis par l'existence d'une association, FRAME (French Regional American Museum Exchange), créée en 1999, et qui comprend des musées français et américains. Elle a pour but de faciliter les échanges de tableaux pour des expositions temporaires : "La volupté du goût" va partir en février pour Portland. Depuis sa création, FRAME a organisé 10 expositions majeures, et, en plus des 24 musées actuels, elle cherche à augmenter le nombre de ses associés, ce qui permettra l'intensification et l'augmentation de la qualité des échanges.
Il n'est pas besoin de souligner l'intérêt d'une telle association. La mondialisation atteint les arts et la traditionnelle complexité des échanges d'oeuvres est ici simplifiée. Et tout ceci au bénéfice des spectateurs. Se dire que dans quelques mois, des "portlandais" s'émerveilleront devant les mêmes tableaux que nous donne un sentiment d'appartenance au "village mondial"...
Quant à l'exposition elle-même, elle a ses qualités et ses défauts. Son principal défaut réside dans le fait que l'évolution de la peinture à cette époque, si elle est bien visible dans les oeuvres, n'est pas assez expliquée. Les raisons du retour au classicisme, à la rigueur et à la morale après la légèreté et la galanterie, ne sont pas claires dans les explications, et même plutôt absentes de celles-ci. On parle bien de Winckelman, mais sans expliquer son rôle et son impact.

De plus, on parle finalement assez peu de Mme de Pompadour tout au long des salles, à part une claire chronologie dans la première.

Ceci dit, il serait difficile d'avoir la dent dure contre l'expo, car si deux adjectifs peuvent bien la qualifier, ils seraient intelligente et plaisante.
La première et la plus grande qualité de l'ensemble est en effet son intelligence : elle donne à refléchir. Chaque oeuvre est acompagnée d'une citation d'un contemporain, soit une critique précise sur l'oeuvre, soit un commentaire général sur les arts à cette époque là. Mais ces commentaires sont toujours en parfaite adéquation avec les oeuvres. Et tout cela nous permet de nous inerroger sur tout ce qu'impliquent les choix des peintres, des commanditaires, sur le goût, sur le beau... Rareté d'une telle réflexion causée par une expo. On réfléchit, et on rit : Diderot à propos d'une oeuvre de Carle Vanloo dit que ça "vaut mieux que les minauderies, les afféteries et les culs rouges de Boucher".
J'ai aussi dit plaisant car le contenu n'a rien à envier à la conception : Lancret, nombreux Boucher, Vanloo, Hubert Robert, Fragonnard, Chardin, Vien, Pierre... Tout ceci se côtoie pour nous montrer le passage des fêtes galantes de Watteau, à l'austerité de Vien, en passant par la légèreté de Boucher. La beauté, l'élégance, la finesse de certaines oeuvres est frappante.


Je ne résiste pas à l'envie de vous montrer la plus exquise petite huile sur toile d'Hubert Robert dans sa période romaine. Elle date de 1761, fait à peine 30cm de côté, et vient de Williawstown.
Quoi de plus délicat, de plus drôle, de plus coquin, de plus vivant, de plus élégant que La Lingère et l'enfant...?

dimanche 16 novembre 2008

Citations pour le plaisir

L'Emile, de Rousseau : "Le goût est naturel à tous les hommes, mais ils ne l'ont pas tous en même mesure. (...). La mode étouffe le goût; et l'on ne cherche plus ce qui plait, mais ce qui distingue".

Essai sur le goût, de Montesquieu : "Le goût (...) n'est autre chose que l'avantage de découvrir avec finesse et promptitude les moyens du plaisir que chaque chose donne aux hommmes".

Affiches à Pompidou

Carrefour Sèvres-Montparnasse, 1961, Centre Pompidou.
Expo Villeglé mercredi au centre Georges Pompidou (jusqu'au 5 janvier).
Mon père étant affichiste aussi, je me suis trouvée assez pré-conditionnée en entrant : j'ai été immédiatement séduite par une très grande partie des oeuvres exposées (une centaine).
Mon objectivité est donc encore moindre ici qu'ailleurs.
L'exposition retrace l'évolution de l'artiste, des débuts avec Hains à l'alphabet socio-politique, en consacrant une salle à chaque "type" d'oeuvre : les toiles politiques, les toiles très abstraites, l'alphabet... Son film de 1974 est même visible. Le tout constitue une belle expo, sobre et claire, qui laisse assez d'espace aux oeuvres pour qu'elles s'expriment.
De l'ensemble se dégage à la fois une impression de richesse et de pauvreté. Malgré une certaine nouveauté avec l'alphabet, il a passé 50 ans à déchirer des affiches et à les maroufler sur toile en ne les modifiant que très peu. La question de la place de l'artiste se pose donc : n'est-il qu'un médium entre la matière et l'oeuvre ? N'a-t-il pas par définition un rôle de créateur ?
La place de Villeglé n'est-elle alors que celle d'un "révélateur", d'un sismographe comme dit l'expo, de la réalité de nos villes et de notre société contemporaine ? Mais même s'il n'est "que" cela, son oeuvre est majeure. Elle reflète, bien mieux que n'importe quelle autre, l'évolution d'une époque. La salle des oeuvres politiques est saisissante. Les toiles sont puissantes et remplies de sens.
Quant à ses oeuvres "abstraites", elles ont la présence d'un beau Rothko !
J'avoue que de salle en salle mon émerveillement a été continu. J'ai mis en haut le Carrefour Sèvres-Montparnasse, mais les Nymphéas, les Joueurs de jazz, le Boulevard St Martin et d'autres sont marquants de pureté et de vie. Du déchirement ne cessent de surgir des images, des couleurs, des épaisseurs qui sont là pour nous rappeler la profondeur de la ville, de sa complexité, tout en mettant en avant son aspect éphémère et changeant.
Une belle série de portraits de Paris !

La petite fille de Monsieur Claudel

J'ai lu récemment La petite fille de Monsieur Linh, de Philippe Claudel, paru en 2005 chez Stock. Je l'ai lu en 2h, et si le suspens n'est pas vraiment présent dans le livre, je n'ai pu m'arrêter unefois que j'ai commencé.
L'histoire est volontairement floue : un vieil homme fuit son pays dévasté par la guerre. On se doute qu'il sagit du Viet Nam. Il a avec lui sa petite fille, rescapée d'un bombardement. C'est la seule chose qui lui reste. Dans le pays où ils sont réfugiés, Monsieur Linh et Sang-Diû rencontrent Monsieur Bark, qui vient de perdre sa femme.
Ils ne parlent pas la même langue, ils n'ont pas la même culture, mais le livre est l'histoire de leur amitié, intense et solide. Deux solitudes se rencontrent, deux coeurs brisés se reconstruisent à la chaleur de quelques mots échangés. Dans un monde gris, indéfini, une ville neutre, ils redonnent un peu de couleur à leurs vies.
L'épure de l'écriture n'a d'égale que la sobriété de l'histoire. Philippe Claudel ne s'embarasse pas de phrases inutiles. Il décrit horreur et joie avec la même simplicité et c'est sans doute cela qui évite à l'ensemble de tomber dans le pathos ou le cliché.
Si le livre est agréable à lire, on peut se demander si il a une réelle profondeur, une "utilité". Après m'être dit qu'il était un peu léger, trop léger, j'ai décidé de l'interpréter tel que je l'ai ressenti : une histoire simple qui plaide pour un peu d'humanité dans un monde où elle est trop rare.


mercredi 12 novembre 2008

Nymphéas à l'Orangerie

Avec beaucoup de retard par rapport aux conseils pressants de mon père, je suis enfin allée voir les Nymphéas de Monet à l'Orangerie.
C'est Monet lui même qui avait choisi l'Orangerie pour ses nymphéas, en raison de sa situation, entre jardin et fleuve. C'était aussi lié à son théme de l'écoulement du temps.
Le peintre concevait cet espace d'exposition comme un lieu de recueillement, d'asile contre la folie de la ville et de l'époque, une retraite propice au ressourcement. En 1909, il parle de son "aquarium fleuri".

Et effectivement, l'impression recherchée dès l'origine est là. Dans deux pièces ovales s'étendent sous nos yeux 8 immenses toiles du début du siècle. On est frappé tour à tour par la somptuosité d'un bleu nuit, par un rêve rosé et brumeux, puis par un incendie de soleil couchant complétement abstrait, par une illusion violette... On est happé, on entre dans les toiles, chaque centimétre se révèle peu à peu à nos yeux éblouis par trop de beauté.
L'harmonie est parfaite ici, on s'envole, car le ciel est l'eau sont indissociables, mêlés jusque dans leur essence. On se perd aussi, et Monet parlait d'une "onde sans horizon et sans rivage". On voyage. L'errance du regard correspond à celle de notre pensée.
Ici, pas de bruit, pas de rage, pas de violence. Juste nous, et la nature, dans sa plus parfaite expression...

Emil Nolde, Mer avec deux vapeurs et ciel de soir rouge, aquarelle de 1938.
Malgré la très mauvaise reproduction, évanescence et fulgurance de la mer et du ciel.

vendredi 24 octobre 2008

Cézanne nous accompagne


On m'a signalé que je n'avais pas précisé de qui était l'aquarelle qui ouvre sur mon blog... Oubli regrettable auquel je remédie de suite.
C'est Cézanne qui a la place d'honneur de ce blog, avec une aquarelle avec mine de plomb intitulée "Château noir devant la montagne Sainte Victoire", et datée de 1890-95. C'est l'Albertina de Vienne qui a la chance de la conserver.
J'ai toujours aimé Cézanne, et c'est donc tout naturellement que son nom m'est venu à l'esprit quand j'ai cherché une image d'introduction à mon blog.
J'ai aimé la légèreté de cette aquarelle, où en quelques traits et avec son talent habituel, Cézanne nous fait voir, sentir et entendre la Provence...
Un petit bonheur pour les yeux à chaque visite, que demander de mieux ?

Aventure finlandaise...

Je viens de finir "Le lièvre de Vatanen" d'Arto Paasilinna, roman finlandais de 1975, apparemment grand classique de la littérature nordique.

Vatanen est journaliste et un soir en rentrant à Helsinki, sa voiture heurte un levraut. Il part chercher l'animal blessé dans la forêt et finalement n'en ressort plus. Notre héros part, s'enfonce dans la nature avec son lièvre, son ami. Il rencontre des personnages incroyables, il lui arrive de belles ou dangereuses aventures durant son voyage sans but précis.
Le roman commence sur une rupture, mais une rupture inexpliquée, sans cause apparente : pourquoi Vatanen, journaliste dans un journal reconnu, marié, décide-t-il soudainement de retourner à la nature, de chercher la liberté ultime ?
De cette absence de sens de l'événement de départ va découler un roman quasiment absurde... L'écriture sobre et naïve renforce d'ailleurs cette impression. Le réalisme n'est pourtant pas absent ici, mais ce qui compte est différent : d'abord notre attachement au personnage. Sa simplicité, son incessante volonté de sauver les animaux, de se mettre dans des situations loufoques ou dangereuses, son goût pour les autres...
Ensuite, ce principe de roman écologique. J'ai été complètement emportée par le livre dans les contrées décrites (pourtant de façon très concise), j'ai même rêvé de la Finlande... Puissance d'évocation de l'esprit des lieux. On vit avec les saisons du pays, la nature est un personnage, une amie qu'il faut sauver, des flammes, des armes, du monde extérieur. Le lièvre a bien sûr une place importante dans cet aspect. Et même s'il n'a pas de nom (il s'appelle "le lièvre"), il est le symbole de cette nature chérie.
Enfin, une évocation de l'homme, de sa place dans la nature, mais aussi de sa liberté, de son libre arbitre, de la valeur de ses choix...
Le roman est léger, heureux, mais puissant dans ses idées. Un petit bonheur.

J'ai fait un rêve : j'étais une femme libre, voyageant dans de grandes étendues blanches avec un lièvre...

dimanche 19 octobre 2008

Polyphonies baltes et spirituelles

Mardi soir, concert avec un ami au temple de l'Oratoire du Louvre.
Titre qui met en haleine : Arvo Pärt et autres polyphonies baltes...
Je connais Pärt, mais le choeur enchaine des oeuvres religieuses de Duruflé, Darzins, Pelecis, Miskinis, Dubra, Zarins, Esenvalds, Vasks, Tormis.... Noms assez barbares dont je ne savais même pas l'existence.
Et surprise : le concert entier est pour nous deux un émerveillement complet, continu, trop court.... !
L'ensemble invité est le Choeur académique d'Etat Latvija, letton donc, dirigé par son chef, Maris Sirmais. J'ai été éberluée par la perfection de ce choeur, par la totale symbiose qui existe entre les 40 choristes et leur chef : chacun de ses plus infimes mouvements est compris et exprimé par tous... et la gamme de variations est immense, on passe du plus léger murmure à une puissance sonore qui emplit toute l'église !
A côté de cette interprétation, les oeuvres étaient époustouflantes aussi. La progression était chronologique, et on a avancé doucement dans la dissonance...
Le Pater Noster de Miskinis, dont la formule est clamée de plus en plus fort par les choristes, m'a donné des frissons. Une telle brutalité dans la ferveur.
L'oeuvre de Peteris Vasks, ("Le message d'un paridé"), est elle aussi incroyable : quatre des choristes sont sur une tribune, deux sopranos sont sur le devant de la scène, et ces deux groupes et le reste du choeur se répondent. Cet échange est d'une pureté et d'une modernité qui rendrait croyant le plus convaincu des athés...
Et la dernière oeuvre, "La Malédiction sur le fer" de Tormis, nous a plongé dans la perplexité puis l'enthousiasme : un tambour rythme le tout de façon assez brutale, le choeur répond de façon toujours plus dissonante à deux ténors qui ne font que murmurer des phrases, et les choristes bougent, tournent la tête tous en même temps, ou ondulent, ou se retournent. Le résultat est saisissant, d'une puissance et d'un primitivisme qui lui donnent son authenticité, sa vérité, sa ferveur...
Une découverte, à continuer !

vendredi 19 septembre 2008

Debussy/Guimard


J'ai assisté hier soir au concert de rentrée de l'Orchestre National de France, sous la direction de son nouveau chef d'orchestre, Daniele Gatti.
Ont été donnés Le Prélude à l'après-midi d'un faune et la Mer de Debussy, et le Sacre du printemps de Stravinsky. Je ne parlerai dans ce post que de Debussy.

Le Prélude à l'aprés-midi d'un faune m'a donné le sentiment, comme à chaque écoute, d'une création proche de la perfection. Bien que Daniele Gatti l'ait fait jouer dans une interprétation manquant un peu de nervosité, un peu trop fluide et facile, Debussy est un maître de l'harmonie, et on le ressent à chaque ondulation musicale.
La Mer fut plus vivante, mais pas encore tout à fait assez vibrante selon moi, et avec quelques légers couacs au début d'un mouvement.
Durant les deux morceaux, moi qui vis en ce moment au milieu de l'Art Nouveau, et qui suis dans une phase intensément guimardienne, je n'ai pu m'empêcher de noter les parallèles nombreux entre les deux artistes.
La villa Berthe, que je fais visiter, date de 1896. Le Prélude date de 1892-1894, et la Mer de 1903-1905. Les dates de création sont donc très proches. Et les deux artistes sont du côté du changement, de la modernité.
Guimard cherche à cette époque là à élaborer son style, mais certains éléments caractéristiques de son art sont déjà bien présents à la Villa Berthe. Par exemple, il hait la symétrie. Il joue sans cesse sur les habitudes visuelles du visiteur, il casse toute tradition, tout rythme que l'on croit acquis, il crée un nouveau langage architectural et décoratif, il brise une perspective, un angle... Son but est quasiment de nous provoquer, de nous faire réagir, de nous déséquilibrer, et, toujours avec une certaine délicatesse malgré tout, il joue avec les traditions et les habitudes.
Debussy agit de manière identique : il casse les harmonies traditionnelles, les habitudes musicales, les règles du beau en musique. Il brise tout pour créer un style nouveau, tout comme Guimard, un style où tout est réinventé, du rythme à l'harmonie en passant par l'organisation conventionnelle d'un morceau symphonique d'une telle ampleur. Il intitule la Mer "Trois esquisses symphoniques"... Chaque ondulation de la musique, chaque enflement de la puissance symphonique de l'orchestre sont une surprise, comme un tournant inattendu et brillant.
Et comment ne pas comparer les lignes courbes de Guimard qui courent sur toutes ses façades, et varient selon tous les matériaux, aux fluides et sinueuses mélodies de Debussy, variées selon chaque instrument et chaque rythme qu'il leur imprime ?

Deux artistes modernes, deux oeuvres contestées... On parle de "bizarre" pour définir les oeuvres de Guimard de cette époque là, voire même de "dérangé". On qualifie la Mer d'oeuvre "incompréhensible et sans grandeur".

Deux artistes modernes, deux oeuvres contestées, deux chefs-d'oeuvre... selon mon humble avis.

Relecture d'un classique : Bel-Ami, Maupassant

J'ai relu la semaine dernière "Bel-Ami" de Maupassant.
Ma passion pour cet auteur remonte à loin maintenant, je crois l'avoir découvert avec ses nouvelles, qui se trouvaient en Pléiade dans les étagères de livres de mes parents... Et c'est encore élève au collège que j'ai dévoré quasiment tout le volume de nouvelles !
J'ai vite continué ma lecture passionnée, et j'ai découvert une première fois Bel-Ami. Le sentiment que j'en avais gardé est bien différent de celui que j'en ai aujourd'hui. Petite fille rêvant de vivre au XIXe siècle, j'en avais gardé le souvenir d'une initiation de jeune homme, avec lequel j'avais découvert le Paris galant, les femmes en belles robes, les aventures, les histoires d'amour, les descriptions du Paris noble et du Paris des boulevards...
J'en tire tout autre chose aujourd'hui.
J'ai été frappée par la dureté de l'oeuvre. Je ne me souvenais plus que la critique de Maupassant était si acérée. Le héros se révèle être un opportuniste de la pire espèce, un éternel insatisfait, brutal, rusé, mesquin...
Ce Rastignac moderne est prêt à tout. Les femmes ne sont pour lui qu'une voie pour arriver à ses fins. La petitesse est son trait de caractère principal. Il est veule, colérique et faible finalement.
Il est intéressant d'étudier un peu l'évolution de ce personnage. Au début de l'oeuvre, il est employé au bureau de chemin de fer du Nord. Il rêve doucement de son avenir, qu'il veut brillant. Le début de l'initiation est constitué par la rencontre d'un ancien ami, journaliste, qui va lui permettre de faire son entrée dans le monde.
Mais je crois que le déclic chez le personnage est autre. Le premier soir où il est invité à dîner chez son ami, en montant l'escalier de l'immeuble, il est tremblant d'incertitude. Puis en passant devant un miroir, il se dit bonsoir. Il ne s'est pas reconnu, et quand il finit par le faire, il s'extasie sur sa propre apparence. Et ce simple ambitieux devient en l'espace de quelques secondes un homme imbu de lui-même et prêt à tout.
A partir de là, Georges Duroy, alias Du Roy, alias Du Roy Du Cantel, se lance dans son aventure, collectionne les femmes, les problèmes d'argent, les succès. Il prend la place de son ami Charpentier, en épousant sa femme à sa mort, en prenant sa place au journal...
Les maîtresses ne sont pour lui que trophées, il les lâche aussi vite qu'il les reprend.
L'image des femmes n'est pas non plus brillante dans le roman. Elle se laissent utiliser, reviennent toujours vers leur bourreau, et sont faibles tellement elles aiment. Quelle image réduite ! Seule Madeleine, sa première épouse, est intelligente. Elle est celle qui a fait de lui ce qu'il est, elle l'a façonné. Mais il finit par l'écraser, comme toutes les autres.
J'ai gardé de ma lecture une sorte d'amertume. Rien bien sûr qui ne remette en cause ma conviction que Maupassant est un grand maître, dont l'écriture est tellement limpide, imagée, puissante, fluide, qu'elle disparaît et que seule l'histoire reste. Rien non plus qui me fasse regretter de m'être replongée dans cette fabuleuse description de Paris, de son milieu politique, journalistique, galant, culturel, économique...Tout cela est d'une vérité qui n'a pas manquée d'être notée par les contemporains. Le livre est publiée en 1885, et l'aventure se situe vers 1880. Le Paris haussmannien est là dans toute sa richesse, sa complexité, sa dureté, et sa beauté.
Je n'ai pas regretté tout cela, évidemment. Mais je me suis rendue compte de cette autre dimension de Maupassant, celle d'une critique de la société, une critique voilée, mais dure et pointue. Et je sais maintenant que relire un classique n'est pas juste un plaisir du souvenir, c'est aussi une découverte de toutes les facettes du talent de l'auteur que l'on n'avait pas forcément décelées la première fois...

Idée du blog...

Bonjour !
Ce blog n'a pas de prétentions. Il n'est qu'un moyen pour moi d'exprimer mes opinions, mes goûts, mes conseils...
Il n'est pas à prendre trop sérieusement, rien ici n'est inscrit dans la pierre.
N'hésitez pas à me donner votre avis !
Eclectikartement votre,
Sophie