vendredi 19 septembre 2008

Relecture d'un classique : Bel-Ami, Maupassant

J'ai relu la semaine dernière "Bel-Ami" de Maupassant.
Ma passion pour cet auteur remonte à loin maintenant, je crois l'avoir découvert avec ses nouvelles, qui se trouvaient en Pléiade dans les étagères de livres de mes parents... Et c'est encore élève au collège que j'ai dévoré quasiment tout le volume de nouvelles !
J'ai vite continué ma lecture passionnée, et j'ai découvert une première fois Bel-Ami. Le sentiment que j'en avais gardé est bien différent de celui que j'en ai aujourd'hui. Petite fille rêvant de vivre au XIXe siècle, j'en avais gardé le souvenir d'une initiation de jeune homme, avec lequel j'avais découvert le Paris galant, les femmes en belles robes, les aventures, les histoires d'amour, les descriptions du Paris noble et du Paris des boulevards...
J'en tire tout autre chose aujourd'hui.
J'ai été frappée par la dureté de l'oeuvre. Je ne me souvenais plus que la critique de Maupassant était si acérée. Le héros se révèle être un opportuniste de la pire espèce, un éternel insatisfait, brutal, rusé, mesquin...
Ce Rastignac moderne est prêt à tout. Les femmes ne sont pour lui qu'une voie pour arriver à ses fins. La petitesse est son trait de caractère principal. Il est veule, colérique et faible finalement.
Il est intéressant d'étudier un peu l'évolution de ce personnage. Au début de l'oeuvre, il est employé au bureau de chemin de fer du Nord. Il rêve doucement de son avenir, qu'il veut brillant. Le début de l'initiation est constitué par la rencontre d'un ancien ami, journaliste, qui va lui permettre de faire son entrée dans le monde.
Mais je crois que le déclic chez le personnage est autre. Le premier soir où il est invité à dîner chez son ami, en montant l'escalier de l'immeuble, il est tremblant d'incertitude. Puis en passant devant un miroir, il se dit bonsoir. Il ne s'est pas reconnu, et quand il finit par le faire, il s'extasie sur sa propre apparence. Et ce simple ambitieux devient en l'espace de quelques secondes un homme imbu de lui-même et prêt à tout.
A partir de là, Georges Duroy, alias Du Roy, alias Du Roy Du Cantel, se lance dans son aventure, collectionne les femmes, les problèmes d'argent, les succès. Il prend la place de son ami Charpentier, en épousant sa femme à sa mort, en prenant sa place au journal...
Les maîtresses ne sont pour lui que trophées, il les lâche aussi vite qu'il les reprend.
L'image des femmes n'est pas non plus brillante dans le roman. Elle se laissent utiliser, reviennent toujours vers leur bourreau, et sont faibles tellement elles aiment. Quelle image réduite ! Seule Madeleine, sa première épouse, est intelligente. Elle est celle qui a fait de lui ce qu'il est, elle l'a façonné. Mais il finit par l'écraser, comme toutes les autres.
J'ai gardé de ma lecture une sorte d'amertume. Rien bien sûr qui ne remette en cause ma conviction que Maupassant est un grand maître, dont l'écriture est tellement limpide, imagée, puissante, fluide, qu'elle disparaît et que seule l'histoire reste. Rien non plus qui me fasse regretter de m'être replongée dans cette fabuleuse description de Paris, de son milieu politique, journalistique, galant, culturel, économique...Tout cela est d'une vérité qui n'a pas manquée d'être notée par les contemporains. Le livre est publiée en 1885, et l'aventure se situe vers 1880. Le Paris haussmannien est là dans toute sa richesse, sa complexité, sa dureté, et sa beauté.
Je n'ai pas regretté tout cela, évidemment. Mais je me suis rendue compte de cette autre dimension de Maupassant, celle d'une critique de la société, une critique voilée, mais dure et pointue. Et je sais maintenant que relire un classique n'est pas juste un plaisir du souvenir, c'est aussi une découverte de toutes les facettes du talent de l'auteur que l'on n'avait pas forcément décelées la première fois...

Aucun commentaire: