mardi 1 février 2011

Quand Disney corrompt les contes.


VS

Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de voir et d'entendre La Petite sirène à la Salle Pleyel : Irène Jacob lisait le conte d'Andersen, et l'orchestre philharmonique de radio France jouait l'œuvre de Zemlinsky, datée de 1902 et inspirée du conte.

J'avais déjà lu le conte d'Andersen, mais j'avais oublié l'histoire. Et en sortant, j'étais révoltée contre l'horrible version faite par Disney.
Walt Disney, ou comment transformer un conte à valeur morale en un ridicule conte de fées.

Chez Andersen, la petit sirène souffre horriblement une fois qu'elle est transformée en femme par la sorcière. Non seulement elle ressent chaque pas comme une piqure d'aiguille ou une coupure profonde dans sa chaire, mais en plus, la sorcière lui a ... coupé la langue. Non, elle ne lui a pas seulement pris sa voix comme par magie, elle lui a coupé la langue.
Voilà ce qu'il en coûte de vouloir être autre chose que ce que l'on est.
Et dans la version de Disney, tout est bien qui finit bien : la petite sirène renie sa nature profonde, sa famille et son monde pour le prince. Chez Andersen, c'est bien plus compliqué que ça, et tout n'est pas bien qui finit bien, car la petite sirène meurt par amour...
En effet, ses sœurs ont fait un deal avec la sorcière : elle pourra redevenir une sirène si elle tue le prince d'un coup de couteau dans le cœur.
Ici se situe la limite entre le conteur et la firme américaine de dessins animés : le simplisme.
Tout n'est pas noir et blanc, tout a un prix, et le conte est par nature une belle façon, imaginative et sensible, d'apprendre cela sur la vie.
Mais Disney, Walt de son prénom, a corrompu la nature des contes, l'a vendue un happy end.
Mais quelle est la morale ?
A croire qu'une morale à la fois profonde et accessible était trop complexe pour le public américain de la fin des années 1980.
Mais la leçon de l'histoire doit exister. Oui, la violence, la souffrance, l'amour non retourné, la cruauté, la mort, tout cela existe. Et pas que cela : l'amour, l'envie, la découverte, l'aventure, l'amitié. Tout cela est présent dans les contes. Et ce que l'on ressent en les lisant, c'est la peur, l'envie, la pitié, l'amour. En lisant un conte, c'est à dire une histoire tout sauf réelle, on apprend ce qu'est le réel, la vie. Fonction et force paradoxale du conte !

Chez Disney, la morale disparait au profit d'un conte de fées qui a déformé la vision du monde de millions de petites filles (et sans doute aussi de petits garçons) : on finit toujours par trouver son prince, et tout finit bien pour tout le monde. C'est là une dénaturation complète du conte, et les contes de fées sont on ne peut plus éloignés de la vraie vie.

Je prône donc un retour vers les vrais contes, ceux qui racontent des histoires où de véritables sentiments sont déroulés pour nous.
En sortant du concert, qui était réservé aux enfants, j'ai remarqué qu'ils étaient perplexes, qu'ils pleuraient pour la mort de l'héroïne, et qu'ils posaient des questions. Bien sûr, il n'est pas question de vouloir qu'ils pleurent, mais admettons qu'ils aient un jour à faire face à la mort... Au moins ils sauront qu'elle existe, et que tout le monde ne vit pas "heureux et avec beaucoup d'enfants".
Un peu de Vrai que diable !

1 commentaire:

CC a dit…

Héhé... et d'ailleurs ça vaudrait le coup de lire - ou relire - la Psychanalyse des Contes de Fées de Bettelheim... et bien sûr les Femmes qui courent avec les loups (Clarissa Pinkola Estes)... comment n'ai-je pas songé à t'offrir ça plus tôt ?