mardi 27 janvier 2009

De la contemplation chez Rothko

Suite et fin de mes émerveillements londoniens...
Grande expo Rothko à la Tate en ce moment. Le titre complet est "Rothko : The Late Series". L'expo présente effectivement les séries qui datent des années 1950, jusqu'à 1970.
Par exemple la pièce 3, immense, reconstitue une série de toiles destinées au Four Seasons de NY, pour lequel Rothko avait réalisé 30 toiles. 7 sont exposées ici, et l'effet est saisissant.
On entre dans un univers parallèle. Cette salle est la preuve vivante que la phrase (souvent entendue) "Rothko, c'est toujours pareil", est fondamentalement fausse. Tout change ici, de tableau à tableau : le format, les formes représentées, les motifs, les couleurs, les matières, les atmosphères... On passe d'un orange vif à un violet pâle, d'un rouge sang à un noir profond.
Et Rothko sait jouer avec notre regard, avec le visible et l'invisible. Les formes qu'il peint sont mouvantes, elles disparaissent quand on s'éloigne, mais réapparaissent quand on fait un pas vers la gauche. Tout ça vibre et vit.

Mark Rothko, "Red on marron", mural section 4, 1959, Tate Gallery.

Souvent encore, on entend des gens se demander "à quoi ça sert Rothko ?". Il faut aller au-delà de la première impression, avec ce peintre. Il ne suffit pas de passer devant un Rothko pour en comprendre l'essence. Il faut s'installer, se placer bien devant, et se jeter dedans. Une toile de Rothko, c'est une surface de contemplation, une immensité de méditation et d'apaisement possible. Mais c'est aussi un risque à prendre, une chute, qui nous amène loin du tableau justement. Car dans le tableau, quand on est "rentré" dedans, il y a nous. C'est une peinture introspective, que celle de Rothko, et elle nous ramène à nous-mêmes, de façon profonde et parfois angoissante. Dans les salles suivantes sont exposés des tableaux noirs. Bien sûr, ils ne sont pas vraiment uniquement noirs, se plonger dedans quelques secondes suffit à nous faire découvrir leur complexité, leurs couches, leur profondeur. Mais devant ces tableaux, on sent beaucoup : on sent de la violence, de la puissance, de la peur... Et dans la série des "Black on Grey", c'est une impression d'infini, d'illimité qui nous touche.

Mark Rothko, "Number 1", 1964, Kunstmuseum, Bâle.

Regarder un Rothko, c'est une plongée dans l'inconnu, c'est à la fois un aveuglement et une illumination. Et c'est de toute façon une expérience personnelle incroyable, que cette expo que je vous conseille, permet magnifiquement.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Vous avez tout compris en ce qui concerne l'appréciation d'une œuvre.
Vous devriez être maintenant convaincue qu'en se plaçant devant un vieux mur ou bien face à une plaque de métal rongée par le temps, on peut éprouver quelque-chose d'indicible que l’on a du mal à expliquer mais qui laisse momentanément une trace. Pareil devant un galet ou un coquillage ramassés sur la plage, etc.. Vous êtes émerveillée et vous en concluez : « Que la nature est extraordinaire ! ».
Cela signifie que vous êtes sensible à la nature et c'est une grande qualité humaine que d'être munie de cette faculté.
Sachant que les sensibilités sont différentes, il n’est pas facile, dans ce domaine, de se faire comprendre. Mais, me direz-vous « L’essentiel n’est-il pas le plaisir que l’on en tire. Pourquoi auriez-vous raison ? ».
J’essaierai de vous éclairer, plus tard sur ce qu’est une véritable œuvre d’Art et non ce que vous a inculqué, en art contemporain, l’Ecole du Louvre.